Dans cet article, nous vous montrons en quoi créer une entreprise aux Comores représente un véritable parcours du combattant en raison de l'administration bureaucratique complexe, des ressources limitées, la corruption omniprésente et l'absence de protection de la propriété intellectuelle. 

Par N. Fahad, fondateur de NF-VANILLE DES COMORES

L'enfer des démarches administratives : Quand les Comores imitent la France sans les moyens.

L'archipel des Comores, petit pays de l'Afrique de l'Est aux traditions afro-arabes bien ancrées, se heurte à une administration profondément francisée. Pour un entrepreneur comme moi, membre de la diaspora, la surprise est totale : les procédures administratives y sont calquées sur celles de la France, mais le pays ne dispose pas des moyens nécessaires pour les appliquer correctement. Cette situation provoque des délais interminables et des frustrations à n'en plus finir.

Lorsque j'ai décidé de créer mon entreprise, je pensais pouvoir obtenir les documents nécessaires en quelques semaines. Mais j'ai vite découvert que les réformes "à la française" en place étaient bien plus ambitieuses que ce que les ressources locales pouvaient supporter. Des démarches qui auraient dû prendre une semaine ont pris jusqu'à douze mois, car même les fonctionnaires semblaient perdus dans ce dédale bureaucratique. Comme l'a dit Max Weber, "l'administration bureaucratique est capable de tout rationaliser sauf l'irrationnel". Ici, cet irrationnel se manifeste par une organisation administrative qui fonctionne mal dans un environnement où les ressources sont limitées.

La corruption omniprésente et l'absence de protection de la propriété intellectuelle : Un double coup dur.

Un autre obstacle majeur est la corruption généralisée à tous les niveaux de l'administration. Pour obtenir les documents nécessaires à la création de mon entreprise, j'ai dû payer des pots-de-vin pour chaque étape. Malgré cela, mon dossier a été bloqué pendant presque 17 mois par un haut fonctionnaire qui exigeait un paiement colossal. J'ai refusé de céder, mais cela m'a coûté cher : plus de 2 000 euros de frais supplémentaires et de nombreuses démarches répétées pour obtenir une immatriculation qui aurait dû coûter environ 570 euros et être finalisée en une semaine.

Plus grave encore, ce même fonctionnaire a usurpé l'identité de ma société pour vendre des produits sous notre nom à des étrangers. Cela a été rendu possible par l'absence de protection de la propriété intellectuelle dans le pays. Comme l'a dit Montesquieu, "Il n'y a point de plus cruelle tyrannie que celle qui se couvre des apparences de la légalité". Aux Comores, la légalité semble parfois une couverture pour des abus de pouvoir et des fraudes flagrantes.

Un pays sans régulation et sans vision pour l'avenir : Le désintérêt de la jeunesse pour l'entrepreneuriat.

Les Comores souffrent également d'un manque de régulation cohérente et d'une méconnaissance généralisée des principes de base de l'économie de marché. Les réformes ne tiennent pas compte de la culture locale et sont souvent imposées sans consultation des parties prenantes. L'aspiration des jeunes Comoriens est de partir en France, laissant l'agriculture aux mains de personnes âgées incapables de produire suffisamment pour le pays.

L'administration publique est saturée, mais beaucoup de jeunes ne pensent qu'à y entrer, faute de culture entrepreneuriale. Ceux qui osent se lancer dans l'entrepreneuriat ne bénéficient d'aucun soutien. Les fonds internationaux destinés au développement sont souvent mal utilisés, gérés par des experts étrangers qui proposent des solutions inadaptées. Comme l'explique Pierre Bourdieu, "La réalité n'existe que par rapport à des points de vue qui la construisent". Ici, la réalité comorienne est construite par des regards extérieurs qui ne perçoivent pas les besoins réels du pays.

Comment réussir l'entrepreneuriat aux Comores : Mes conseils aux membres de la diaspora. 

Face à ces défis, j'ai mis en place plusieurs stratégies pour maximiser mes chances de réussite. Voici mes conseils pour ceux qui souhaitent investir aux Comores :

1. Comprendre le contexte local : Apprenez les normes sociales, les valeurs et les pratiques commerciales locales. Surtout, évitez de partager vos idées avec les administrateurs publiques.

2. Adapter vos produits aux besoins locaux : Utilisez des études de marché pour mieux comprendre les attentes des consommateurs comoriens. Ne vous lancez pas dans un business parce que tel s'est lancé.

3. Établir des partenariats locaux solides : Travailler directement avec des acteurs locaux, comme nous l'avons fait dans la filière vanille, peut vous aider à contourner certains obstacles administratifs.

4. Sensibiliser la jeunesse à l'entrepreneuriat : Il est essentiel de montrer aux jeunes qu'ils peuvent réussir en dehors de l'administration publique, en promouvant les pratiques d'affaires éthiques et la transparence.

5. Utiliser la technologie pour contourner les obstacles : Les outils numériques peuvent augmenter l'efficacité et réduire les risques de corruption. Par exemple, nous utilisons des applications de paiement mobile pour des transactions transparentes.

6. Connaître la législation locale et internationale : Restez informé des lois pour éviter des sanctions et protéger votre entreprise.

Investir aux Comores est un défi, mais pas une mission impossible. Avec une bonne stratégie, une compréhension claire du contexte et une dose de persévérance, il est possible de bâtir quelque chose de durable et de significatif.

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